Il faut mettre un terme aux publicités négatives une fois pour toutes

Elizabeth May

Si vous avez accès aux chaînes de télévision étatsuniennes, vous avez probablement éteint le son à plusieurs reprises dernièrement. Alors que les électeurs des États-Unis sont sur le point de se rendre aux urnes, les publicités négatives polluent les ondes avec leur négativisme éhonté. Ce ne sont pas seulement les démocrates et les républicains qui achètent des plages publicitaires pour critiquer vertement l’adversaire. En plus des centaines de millions de dollars dépensés [n.d.l.r. par les grands partis], certains estiment que 284 millions de dollars supplémentaires ont été injectés par des groupes d’intérêt privé, la majorité pour soutenir les républicains. Il semblerait que ces groupes aient prévu d’autres dépenses publicitaires pour faire élire des représentants au Congrès cette saison, tout comme ils l’ont fait lors de la course à la présidence en 2008.

Les gens qui suivent la politique de près vous diront que les campagnes de publicités négatives fonctionnent. En fait, elles sont très efficaces. Avant de faire des recherches pour mon dernier livre, je n’avais jamais vraiment cherché à savoir pourquoi. Je n’aime pas cette transition de notre culture politique vers les campagnes de publicité ad hominem. Tout le monde que je connais les déteste. Chaque auditoire à qui je me suis adressée, chaque assemblée municipale à laquelle j’ai participé, partout au Canada, sont unanimes : tous les détestent. Alors comment se fait-il que quelque chose que tout le monde déteste aussi ouvertement puisse gagner du terrain dans notre paysage politique?

En rédigeant mon dernier livre, je suis tombée sur des recherches réalisées par de nombreux spécialistes de l’opinion publique. Les publicités négatives fonctionnent parce qu’elles réduisent le taux de participation électorale. En somme, les publicités négatives découragent les gens d’aller voter.

Donc, par définition, les publicités négatives sont antidémocratiques.

Comment le fait de réduire le taux de participation électorale peut-il aider un parti politique? C’est simple, il suffit de regarder ce qui s’est passé en 2008. Les pires publicités furent présentées par les conservateurs de Harper. Si vous évaluez leur taux de « réussite » du point de vue des conservateurs, qui n’ont pas récolté plus de votes qu’aux élections précédentes, vous conclurez qu’elles ont échoué lamentablement. En effet, les conservateurs ont récolté environ 170 000 votes de moins en 2008 par rapport aux élections de 2006.

Ainsi, personne ne sera surpris d’apprendre que les publicités qui se moquaient des autres politiciens n’ont pas persuadé les électeurs de voter pour le parti à l’origine de ces publicités. Non. Les publicités négatives ont aidé les conservateurs à cause de l’impact qu’elles ont eu sur l’électorat ayant voté pour les libéraux en 2006. En effet, ils furent plus de 700 000 à bouder les urnes en 2008. Ce taux de participation électorale historiquement bas a permis aux conservateurs de Harper de remporter plus de sièges, avec moins de votes.

Sachant cela, je suis plutôt inquiète à l’approche de la prochaine campagne électorale fédérale au Canada. Avec chaque élection, le taux de participation électorale baisse. Sans égard au parti que vous appuyez, l’érosion des fondements de notre démocratie, qui entraîne une diminution constante du taux de participation électorale et affecte notre pouvoir à faire des choix quant à notre avenir, devrait vous inquiéter au plus haut point.

Pourquoi ne pas carrément interdire les publicités négatives pendant les campagnes électorales? Pourquoi ne pas réserver des plages de temps équivalentes sur toutes les chaînes de diffusion publiques pour présenter des messages qui expliquent les différences entre les différents programmes politiques et interdire les publicités négatives, même subtiles? Plusieurs pays l’ont déjà fait – le Royaume Uni, l’Afrique du Sud, le Brésil, la Belgique, la Suisse, le Chili, la Suède, l’Irlande, les Philippines – la liste est longue. Le Canada et les États Unis se détachent du lot en étant les seuls pays où il est encore permis d’acheter des plages publicitaires sur les chaînes télévisées pour les partis politiques. Certains pays interdisent les annonces télévisées, mais autorisent les annonces à la radio. D’autres les interdisent aussi bien à la radio qu’à la télévision.

Ayons ce débat maintenant. Réclamons une interdiction sur les annonces télévisées pour les partis politiques, avant et pendant la campagne électorale. Voyons cela comme une expérience. Si notre démocratie est malade, cessons de l’empoisonner et voyons si elle se porte mieux.