Qui sont les véritables victimes des publicités négatives?

Elizabeth May

Nous y revoilà. Les conservateurs de Harper piaffent
d’impatience, incapables d’attendre le déclenchement des élections pour lancer
une nouvelle ronde de publicités négatives.

Le mantra des conservateurs est qu’ils ne veulent pas
d’élections, mais leurs actions indiquent tout le contraire. Un gouvernement
minoritaire qui tient à conserver la confiance de la Chambre cultive la
collaboration. Vous souvenez-vous du gouvernement libéral minoritaire de
Paul Martin? La préparation du budget avait donné lieu à des consultations
exhaustives avec le NPD. En fait, Jack Layton s’est même vanté d’avoir
rédigé le budget libéral de 2005. 

Le premier ministre d’un gouvernement minoritaire qui
s'apprête à produire un budget devrait rencontrer les chefs de l’opposition. Le
ministre des Finances devrait s’asseoir avec les porte-parole des finances des
partis de l’opposition. Des intervenants clés devraient pouvoir trouver une
oreille attentive au gouvernement afin d’exposer leurs idées pour lutter contre
le déficit tout en assurant la reprise économique et en créant des emplois à
temps plein bien rémunérés.

Mais la collaboration et les rameaux d’olivier ne font
pas partie du répertoire de Stephen Harper; les campagnes de dénigrement,
elles, sont sa spécialité.

D’ailleurs, il ne s’est pas gêné pour lancer plusieurs
publicités négatives aujourd’hui. Il me semble qu’il établit un nouveau record pour
le nombre de publicités négatives lancées en une seule journée. Certaines s’en
prennent à Jack Layton, d’autres à Gilles Duceppe, dépeint comme une
espèce de Raspoutine, un complice diabolique. Mais le principal scélérat ciblé
par la campagne de dénigrement de Stephen Harper est le chef des libéraux,
Michael Ignatieff.

De toute évidence, M. Harper n’a pas
particulièrement envie de faire fonctionner le gouvernement. Cette nouvelle
campagne de dénigrement est plutôt l’équivalent parlementaire d’une déclaration
de guerre. 

Le 2 novembre 2010, nous avons publié un
communiqué de presse
réclamant l’interdiction des publicités télévisées négatives pour les partis
politiques. La dégradation du climat politique dans notre pays semble, pour la majeure
partie, attribuable à la méchanceté du discours politique véhiculé par les publicités
négatives. En découvrant que de nombreux pays de par le monde avaient interdit
toute publicité politique payée sur les ondes, il me semble que nous devrions
au moins soulever cette idée.

D’ailleurs, dans ce communiqué de presse, j’émettais une
mise en garde :

« Nous
sommes sur une pente glissante, puisque les spécialistes de la recherche sur
l’opinion publique sont catégoriques – les publicités négatives
"fonctionnent" parce qu’elles réduisent le taux de participation
électorale. Ceux qui ont recours aux publicités négatives ont comme seul et
unique objectif de réduire le taux de participation électorale. C’est une
stratégie délibérée de leur campagne. »

Les publicités négatives sont, par définition,
antidémocratiques.

Il semblerait que les publicités négatives soient également
anticanadiennes. Grâce au blogue de la journaliste du Toronto Star Susan Delacourt intitulé « Ad
Standard
s » (Normes en matière de publicité), j’ai pu lire le plaidoyer
adressé par les Normes canadiennes de la publicité (NCP) aux partis politiques
.
Les partis politiques sont exemptés des exigences du Code canadien des normes de la publicité en ce qui en trait à la
« véracité » des publicités.

Le Code
stipule notamment que les publicités « ne doivent pas comporter
d’allégations

ou de déclarations, des illustrations ou des
représentations inexactes ou mensongères » ni « discréditer, dénigrer
ou déprécier une personne ou un groupe de personnes (...) tous faciles à
identifier, ou tenter de le/les exposer au mépris public ou au ridicule ».

« NCP demande aux partis politiques fédéraux et
provinciaux d’adhérer aux principes énoncés dans le Code afin de maintenir la confiance du public dans la publicité
canadienne. »

Les publicités
négatives sont antidémocratiques et anticanadiennes. Alors que devons-nous
penser d’un premier ministre qui a recours aux pires insultes lorsque la
Chambre ne siège pas, qu’il n’y a pas d’élections et qu’il y a beaucoup de
travail à faire?