(Document d’information de la plateforme électorale du PVC – 12/06/2015)
Les soins de santé universels sont fondamentaux pour les citoyens canadiens — ils expriment les valeurs qui nous unissent. Malgré cela, les soins de santé sont devenus moins un programme national et davantage un ensemble inégal de services disparates avec des écarts inacceptables sur le plan de la qualité et de l’accessibilité. Le leadership national est absent au moment même où la demande de soins de santé et la confusion entourant la prestation de soins privés sont croissantes. Stephen Harper a conçu une série de bombes à retardement reliées à l’avenir des soins de santé. Le financement fédéral diminuera. Il sera lié au produit intérieur brut (PIB) des provinces et les plus pauvres recevront moins que leurs contreparties plus fortunées. Le Parti vert estime qu’Ottawa doit offrir un financement adéquat et un leadership national ferme pour prendre la direction d’une collaboration efficace requise dans le but de renforcer notre système de soins de santé et développer des normes nationales pour une couverture plus équitable, de mettre en oeuvre un Programme d'assurance-médicaments fédéral et d’apporter des améliorations pratiques ainsi que des réformes innovatrices à une fonction publique dont nous dépendons tous.
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Les Canadiens ont une couverture de soins de santé inégale parce que nous ne possédons pas de normes pour assurer une gamme et une qualité minimales de services essentiels en matière de soins de santé qui devraient être offerts à l’échelle du pays. Ces normes sont implicites dans la Loi canadienne sur la santé. Il faut qu’elles soient explicites. Les provinces ont constamment étendu leur système de soins de santé depuis les années1980, révélant de nombreuses zones grises dans la législation nationale qui devait les guider. La Loi canadienne sur la santé repose sur cinq principes généraux – gestion publique, intégralité, universalité, transférabilité et accessibilité, mais le gouvernement fédéral ne les a pas appliqués pour appuyer une meilleure cohérence nationale, outre l’imposition de sanctions à des provinces et territoires individuels en raison d’une surfacturation.
La décision du gouvernement fédéral de changer la formule de financement fédérale des soins de santé pour des transferts en espèces égaux par habitant sous forme de montants forfaitaires annuels aux provinces était plus qu’un simple rajustement financier. En transformant les soins de santé en une simple écriture comptable dans le budget national, le gouvernement fédéral a clairement établi qu’Ottawa ne participera plus à des réformes et à des améliorations du système de soins de santé avec les provinces comme il l’avait fait dans le passé. Pire encore, le financement des soins de santé est maintenant relié à la réussite économique des provinces, de sorte que les provinces plus pauvres recevront en réalité des transferts moins importants. Pourtant, un système national de soins de santé efficient doit être assuré non seulement par un financement fédéral, mais également avec une dose substantielle de leadership du gouvernement fédéral.
En 2011, le gouvernement conservateur a réduit le Transfert canadien en matière de santé de 6 p. cent (en prenant la moyenne du PIB) à environ 3 ou 4 p. cent. En dernier ressortt, ceci privera les provinces de dizaines de milliards de dollars au cours des dix prochaines années sans régler aucun des problèmes fondamentaux minant notre système de soins de santé. D’ici 2024, 13 cents de chaque dollar consacré aux soins de santé proviendront du gouvernement fédéral, comparativement à 50 cents lors de la création du régime d'assurance-maladie.
Les premiers ministres provinciaux n’ont pas été en mesure de collaborer de manière suffisamment efficace entre eux pour maintenir l’équité des soins de santé à l’échelle du pays. Les premiers ministres sont d’abord et avant tout responsables d’intérêts provinciaux qui ne sont pas nécessairement compatibles. Leur centre d’intérêt principal, pour des raisons évidentes, est de s’assurer que leurs provinces respectives performent bien sur le plan social et économique. Ils n’ont pas le mandat de considérer le mieux-être du Canada dans son ensemble. Ainsi, il n’est pas étonnant que leur réponse à la décision fédérale de se retirer de tout rôle significatif dans la politique en matière de soins de santé ait été de créer un groupe de travail sur l’innovation des soins de santé avec un vague mandat de tout scruter, allant du nombre de diplômés en médecine et en sciences infirmières requis chaque année jusqu’à l’adoption des meilleures pratiques cliniques et chirurgicales à l’échelle du Canada.
De même, en 2010, les premiers ministres ont annoncé des plans visant à créer une agence nationale qui serait responsable de tous les achats en vrac de médicaments sur ordonnance dans le but de réduire les coûts et d’atténuer les énormes pressions exercées sur les budgets des soins de santé. Cinq ans plus tard, cette initiative languit toujours. Malheureusement, comme le note succinctement Roy Romanow, « les gouvernements provinciaux sont constamment bernés par le lobby des produits pharmaceutiques ». Entre-temps, selon l’Association médicale canadienne, le Canada est le deuxième plus important acheteur par habitant de médicaments sur ordonnance dans le monde après les États-Unis. Et, plus angoissant encore, non seulement nous avons le plus mauvais contrôle des coûts des médicaments dans le monde, mais entre 2000 et 2010 nous avons également connu le taux d’augmentation le plus élevé de dépenses en médicaments au monde.
Nous avons besoin d’un leadership fédéral pour assurer l’universalité des soins de santé. Nous devons innover en créant un Programme fédéral d’assurance-médicaments afin d’offrir une couverture nationale uniforme pour les médicaments sur ordonnance et un contrôle efficace des prix à l’échelle du pays.
Pour faciliter ce leadership, nous avons besoin d’un organisme intergouvernemental qui est mandaté de façon claire et permanente pour faciliter les compromis et les consensus et pour conseiller les gouvernements fédéral et provinciaux sur les normes nationales requises pour les services de soins de santé, y compris la réglementation de la combinaison des soins privés et publics. À cette fin, on pourrait accorder plus de pouvoirs au Conseil canadien de la santé ou un Conseil des gouvernements canadiens [lien R] pourrait créer un Conseil permanent sur les soins de santé, comme cela a été fait en Australie.
Le Parti vert estime que les domaines suivants — et d’autres également — nécessitent un examen urgent et des mesures nationales :
- Fournir un centre d'échange pour partager l’information sur la santé au sujet des meilleures pratiques médicales de même que des erreurs médicales à l’échelle des provinces;
- Mettre l’accent non plus sur les soins en milieu hospitalier, mais plutôt sur les soins de base en milieu communautaire offerts par des équipes et pas nécessairement par des praticiens individuels;
- Intégrer les services exhaustifs de santé mentale, y compris la psychothérapie élargie et le counseling clinique, au système de soins de santé, comme l’a recommandé la Commission de la santé mentale du Canada. La CSMC estime que les maladies mentales coûtent bien au-delà de 50 milliards de dollars par année à l’économie canadienne;
- Mettre en oeuvre une Stratégie nationale sur la démence;
- Assurer que chaque Canadien possède un dossier de santé électronique et a accès à un centre de coordination central pour ses soins, qu’ils soient préventifs, de courte durée ou chroniques; et
- Étendre les investissements publics au niveau des soins de santé primaires afin d’inclure les soins à domicile et les soins à long terme dans la collectivité, les services de réhabilitation pour les patients non hospitalisés, les soins dentaires et les soins de la vue ainsi que les services requis pour soigner les patients atteints du trouble du spectre de l'autisme.
- Mettre en oeuvre un Programme fédéral d'assurance-médicaments pour assurer que tous les Canadiens ont accès à un Programme universel de remboursement des médicaments délivrés sur ordonnance en élargissant et en coordonnant l’ensemble des régimes publics et privés disparates qui offrent déjà une assurance-médicaments à quelque vingt-deux millions de Canadiens. Un Programme national d'assurance-médicaments assurerait également le contrôle de tous les médicaments pour en vérifier la sécurité et l’efficacité en requérant que toutes les provinces participent au Programme commun d'évaluation des médicaments afin de régler certains problèmes de sécurité (selon l’approche de l’Initiative thérapeutique de l’Université de la Colombie-Britannique). La proposition de 2015 de l’Association médicale canadienne note qu’un régime pancanadien permettrait aux Canadiens d’économiser des frais de 7.3 milliards de dollars par année et cela ne coûterait pourtant qu’un milliard de dollars de plus par année au secteur public.
- Élargir le rôle des pharmaciens pour leur permettre de prescrire certains médicaments.
- Accroître le rôle des infirmières praticiennes pour leur permettre de dispenser des soins médicaux, y compris dans les cliniques spécialement conçues pour les « urgences de bas niveau » afin d’effectuer un premier triage des patients qui ne nécessitent pas nécessairement une hospitalisation.
- Éliminer les obstacles à la transférabilité de la couverture des soins de santé et à la mobilité des professionnels de la santé entre les frontières provinciales.
Le Parti vert appuie l’augmentation des investissements dans les mesures de prévention, plus particulièrement la transférabilité des services de santé pour les Canadiens à plus faible revenu et démunis. Plus de la moitié de toutes les dépenses annuelles en soins de santé au Canada sont consacrées au traitement de maladies chroniques pour lesquelles les principaux facteurs de risque sont reliés à la pauvreté qui a pour conséquence une mauvaise alimentation, l’inactivité physique, le tabagisme ou la consommation nocive d'alcool. Le revenu de subsistance garanti (RSG) national proposé par le Parti vert serait un facteur clé pour permettre le contrôle des coûts croissants de la santé reliés à la pauvreté [lien A].
Le Parti vert appuie la proposition de la Coalition pour une saine alimentation scolaire d’investir progressivement un montant de 1 milliard de dollars sur cinq ans pour créer un Programme universel de saine alimentation scolaire. Les programmes d’alimentation scolaire sont de plus en plus perçus comme des contributeurs essentiels à la santé mentale et physique des étudiants. « Le Canada est l’un des rares pays industrialisés qui ne possèdent aucun programme alimentaire scolaire national. Actuellement, au Canada, l’ensemble disparate de programmes alimentaires scolaires publics ou privés mis en place de manière expéditive ne répond aux besoins que d’une faible proportion de nos cinq millions d’élèves ou plus. Seule une politique émanant du gouvernement fédéral permettrait d’assurer une couverture universelle ».
La combinaison du paiement et de la prestation de services par les secteurs public et privé est probablement l’enjeu le plus sensible aujourd’hui dans les soins de santé. Le Parti vert est fermement opposé à un régime privatisé de soins de santé à deux vitesses et à but lucratif. Nous reconnaissons évidemment qu’environ 30 p. cent des plus de 192 milliards de dollars dépensés annuellement en soins de santé au Canada proviennent déjà de sources privées. Les fournisseurs privés assurent la plus grande part de la prestation des soins de santé : fournisseurs sans but lucratif, entreprises à but lucratif et entrepreneurs indépendants. Bien que les médecins et les hôpitaux du Canada soient entièrement financés par l’État, tous les autres services – des médicaments jusqu’aux soins à domicile, aux soins de longue durée et aux soins dentaires – sont financés avec entre 50 p. cent et 100 p. cent de fonds privés. La minorité de Canadiens qui ont la chance de participer au régime d’assurance-maladie complémentaire de leur employeur ont de toute évidence une meilleure couverture que ceux qui ne sont pas aussi chanceux. Le Parti vert accueille favorablement la tenue d’un débat sérieux et souhaitable depuis longtemps sur la meilleure façon de protéger les éléments essentiels des soins de santé à payeur unique et d’assurer plus d’équité et plus d’efficience dans l’ensemble du système de soins de santé.
Finalement, la sécurité publique doit être d’une importance capitale. L’épidémie de SRAS de 2004 a mis en évidence les lacunes de notre préparation aux situations d'urgence en cas de pandémies. On a généralement convenu que le médecin hygiéniste du Canada (MHC) ne possédait pas suffisamment de pouvoirs pour intervenir efficacement lors d’une pandémie nationale, réinstaller les services et les produits essentiels suivant les besoins, etc. L’Agence de la santé publique du Canada a alors été créée, sous la direction du ministre de la Santé, avec le MHC comme administrateur général de l’Agence. On a considéré qu’il était important que le MHC ne se concentre pas simplement sur l’aspect médical d’un virus tel que l’Ebola ou d’une pandémie. Le MHC devait être pleinement responsable de l’Agence et de ses employés pour permettre une meilleure répartition des ressources de l’Agence lors d’une intervention en cas d'urgence et de problèmes de soins de santé courants de façon à ce que les priorités bureaucratiques n’éclipsent pas les priorités de la santé publique.
La plupart des experts en santé publique ont été à la fois surpris et préoccupés lorsque le gouvernement Harper a entrepris de restreindre le mandat du médecin hygiéniste du Canada dans le projet de loi omnibus sur le budget à l’automne 2014. La législation a enlevé au MHC le contrôle du budget et des employés de l’Agence de la santé publique du Canada, le faisant relever uniquement du sous-ministre de la Santé et non plus du ministre. En conséquence, les responsabilités du MHC sont maintenant limitées à un vague mandat de communication et de participation aux problèmes de santé publique. Ces changements apportés au rôle du MHC doivent être abrogés dans les meilleurs délais.
Nous devons rétablir et renforcer le mandat et les pouvoirs du médecin hygiéniste du Canada pour lui permettre d’intervenir lors de pandémies nationales et d’autres problèmes de santé publique. Nous devons également créer une réserve fédérale de médicaments essentiels qui seraient distribués lors de pénuries.
De plus, nous avons besoin d’une stratégie nationale plus proactive pour éliminer les toxines dans notre environnement. Ceci nécessitera d’appuyer plus vigoureusement l’élargissement du Plan fédéral de gestion des produits chimiques (PGPC) qui, par ricochet, accélérera l’évaluation des produits chimiques préoccupants. Il permettra également au MHC de s’occuper rapidement des nombreuses autres toxines qu’il reste encore à identifier, des pesticides jusqu’aux biens de consommation et aux processus industriels. (Selon le Conseil des académies canadiennes, des quelque 23 000 produits chimiques préoccupants qui sont utilisés quotidiennement, l’information sur la toxicité de près de neuf de ces produits sur dix est simplement absente.)
Bien qu’il y a eu des progrès sur le plan de l’élimination des BPA des bouteilles de plastique et des jouets pour bébés, ceux-ci ont été lents. Le professeur de droit de l’Université de la Colombie-Britannique et auteur Joel Bakan soutient de manière persuasive que nous ne pouvons pas vraiment faire confiance aux chiens de garde du gouvernement ou de l’industrie qui sont censés nous protéger parce qu’ils fonctionnent sur la base d’une « présomption d’innocence pour les produits chimiques et les polluants industriels ». De nombreux produits chimiques industriels sont connus pour être cancérogènes, neurotoxiques et perturbateurs endocriniens. Selon M. Bakan, nous devons passer d’un modèle de preuve absolue à un modèle de précaution, ce qui requiert que les fabricants et les importateurs fassent la démonstration qu’un produit chimique particulier peut être utilisé de manière sécuritaire ou qu’il constitue la meilleure solution de rechange disponible.
Finalement, le gouvernement fédéral doit également adopter des mesures pour assurer l’application de normes nationales et de règlements adéquats pour la procréation assistée. Le budget conservateur de 2012 a simplement éliminé l’Agence canadienne de contrôle de la procréation assistée et tous les règlements connexes après que la Cour suprême du Canada eut déterminé que les provinces ont un pouvoir réglementaire qui chevauche celui du gouvernement fédéral quand il s’agit de procréation assistée. Toutefois, cette décision ne devrait pas être une excuse pour abandonner complètement le champ de la procréation assistée aux provinces. Les organismes provinciaux et territoriaux de réglementation en matière de santé ne sont pas tous en mesure d’assurer l’application de normes adéquates de soins pour les Canadiens qui utilisent les technologies de procréation assistée et les cliniques de fertilité et il est donc essentiel d’établir des normes nationales. À tout le moins, Ottawa devrait exiger que les cliniques de fertilité publient les taux de réussite transparents, élaborent une politique commune concernant les transplantations multiples d’embryons, appuient la création d’un registre national des donneurs et colligent l’information pour les personnes nées à partir d’un don de sperme ou d’ovules. Un plan d’action national est également requis pour éliminer les dispositions confuses du droit criminel, par exemple le fait qu’il est toujours illégal de payer des gens pour des dons de sperme ou d’ovules ou de payer une mère porteuse pour ses services alors qu’il est légal d’acheter du sperme de donneurs américains et de l’importer et qu’il est légal de rembourser les dépenses des donneurs.