L’humeur sur la Colline du Parlement est encore tendue. C’est difficile à décrire, mais le besoin de se serrer et d’échanger sur ce qui est arrivé se manifeste encore.
Au fur et à mesure que nous en apprenons davantage, les questions se multiplient. Sur la base de la couverture médiatique, beaucoup de questions s’attardent sur la vulnérabilité de la Colline du Parlement et les failles à la sécurité.
Savoir que le tireur a pointé son arme vers le chauffeur d’un ministre en le menaçant de le tuer s’il ne sortait pas de sa voiture a été un choc. Pensant rapidement, le chauffeur a mis la voiture en marche arrière pour frapper la limousine d’un ministre juste derrière. (Vous vous êtes probablement demandé pourquoi la voiture était en marche arrière comme l’a montré la vidéo de surveillance.) En frappant la limousine, la GRC, dont les membres étaient stationnés partout dans l’entrée, a tout de suite su qu’il se passait quelque chose d’inhabituel. De nombreuses personnes se demandent pourquoi les voitures de la GRC ont suivi la voiture volée par le tireur jusqu’aux portes avant du Parlement au lieu de lui foncer dessus. D’autres se demandent pourquoi la GRC n’a pas allumé ses sirènes pour alerter les agents de sécurité de la Chambre des communes à l’intérieur de l’édifice du Centre. On sait maintenant que les radios de la GRC n’ont pas communiqué directement avec le Service de la sécurité de la Chambre des communes. D’autres se demandent qui surveille le système de télévision en circuit fermé autour de la Colline du Parlement. Il n’a fallu que quelques minutes entre le meurtre du caporal Nathan Cirillo et l’entrée du tireur dans l’édifice du Centre, mais chaque seconde compte.
Avec toutes ces questions, il y a de nombreux actes de courage individuels et de moments de chance qui ont sauvé des vies.
Ce que j’entends encore et encore d’autres députés, d’agents de sécurité, de journalistes lorsque nous échangeons nos impressions, c’est que cela aurait pu être bien pire.
Ce que j’ai pu reconstituer, c’est que l’alerte aux agents de sécurité à la porte d’entrée avant sous la Tour de la Paix est venue d’un caméraman du réseau Global. (Je ne nomme personne. Ces détails sont personnels, mais je sais de sources sûres tout ce que je vous écris de la part de témoins oculaires.) Le caméraman a vu l’arme et a crié à de nombreuses reprises : « Il a un fusil! Il a un fusil! »
Le premier agent de sécurité du Service de sécurité de la Chambre qui s’est rendu à la porte n’était pas armé. Son geste de courage n’a pas assez été commenté. Le tireur a pointé le canon de son fusil sur sa poitrine. L’agent a tenu bon, a saisi le canon du fusil et l’a plaqué vers le sol. Tout en luttant, il criait aux autres agents pour les alerter qu’il y avait un « fusil ».
Le fusil a déchargé une balle qui s’est logé dans sa cheville, mais il avait réussi à immobiliser le tireur pendant des instants cruciaux. Durant ce temps, les agents de sécurité sont allés dans les salles des caucus où il y avait les députés conservateurs, dans l’une, et les députés néo-démocrates, dans l’autre. Les agents ont sécurisé les portes et ont dit aux députés de se mettre à l’abri. Dans la salle des députés conservateurs, d’anciens agents de la GRC maintenant députés ont organisé la salle pour assurer la protection de leurs collègues. Deux côtés des salles ont de larges portes doubles qui s’ouvrent vers l’extérieur. Des chaises ont été empilées pour empêcher le tireur d’entrer si les portes s’ouvraient. À ce moment, en entendant les coups de feu, les députés dans les salles des caucus ont pensé qu’il y avait plusieurs tireurs. Dans le caucus conservateur, organisé par d’anciens agents de la GRC devenus députés, deux députés se sont portés volontaires en se postant devant chacune des portes pour arrêter le tireur dans l’éventualité qu’il ouvre la porte, au péril de leur vie pour protéger celle des autres. Vous avez peut-être lu ou entendu qu’ils ont pris des mats porte-drapeau pour pouvoir lutter contre le tireur. Les gens dans les couloirs se sont éparpillés pour se mettre en sécurité, sauf le très brave ou très audacieux reporter du Globe and Mail qui s’est mis à courir dans le Hall d’honneur en filmant la scène avec son téléphone cellulaire.
La plupart d’entre nous pensons maintenant que le tireur n’avait aucune idée où il allait. Lorsqu’il s’est approché des immenses portes de la Bibliothèque du Parlement au bout du Hall, l’hypothèse est qu’il croyait que ces portes menaient à la Chambre des communes. (Une autre théorie veut qu’il tentait d’échapper aux tirs de fusil.)
La salle à l’intérieur de laquelle le cabinet et le caucus conservateur se trouvaient était surmontée du titre Caucus conservateur. Le tireur, poursuivi par les forces de sécurité du premier ministre, a alors été ciblé. La balle a raté le tireur en fuite, a traversé le bois de la porte qui donnait sur le Hall derrière laquelle se trouvait le caucus néo-démocrate. Cette salle, la Salle du Comité des Chemins de fer, était la seule dans ce corridor qui avait des portes doubles. La balle a ainsi traversé la première porte et s’est logée dans la seconde, l’agent de sécurité étant debout devant cette porte de l’autre côté.
Alors que le tireur se dirigeait vers le bout du corridor sous les tirs des agents de sécurité, il faut préciser que de nombreux moments de « chance » se sont produits durant une journée pas très chanceuse. Vous avez probablement vu la vidéo du Hall d’honneur en marbre cette journée-là. Il n’y avait que le tireur et des agents de sécurité. Habituellement, le Hall est plein de monde.
En raison du fait que le mercredi matin, il y a des réunions de caucus, aucune visite guidée n’avait lieu. En raison aussi de ces réunions de caucus, il y avait plus d’agents de sécurité armés dans le Hall d’honneur qu’à l’habitude. Si le tireur était entré dans la Chambre des communes trente minutes plus tôt, de nombreux députés auraient jasé dans la Hall d’honneur. Une heure plus tard, le Hall d’honneur aurait été plein de reporters dans l’attente de poser des questions aux députés après les réunions de caucus.
Le manque de préparation du tireur a aussi joué en notre faveur. Il n’avait pas de plan défini ou d’idée de la routine ou de l’horaire des activités du Parlement. Et malgré le fait qu’il n’y a pas de mots pour décrire le fait qu’il ait pu obtenir une arme à feu – l’arme qui a tué le caporal Nathan Cirillo – il est probable que plus de vies auraient été fauchées s’il avait été mieux armé. Je ne peux m’empêcher de penser à cette expression « armé jusqu’aux dents ». Le tireur était armé jusqu’aux pouces. Pour recharger son arme, il aurait eu à insérer une balle à la fois dans le canon de sa Winchester – comme Gunsmoke.
Nous ne pourrons jamais assez remercier l’équipe du Service de sécurité de la Chambre des communes, en commençant par notre extraordinaire sergent d’armes, en incluant toute son équipe.
Nous en apprendrons plus, sans l’ombre d’un doute. Mais ce que nous savons est très clair. De nombreuses personnes ont pris des risques pour protéger la vie des autres. Toutes les personnes qui travaillent sur une base quotidienne avec les agents de sécurité de la Chambre des communes ne tiendront plus jamais leur présence pour acquise. Je ne crois pas que le tireur est un terroriste. La fusillade a été un geste venant d’un homme profondément perturbé ayant des problèmes de santé mentale et des problèmes de toxicomanie. Nous ne devrions pas associer cette attaque avec le mot « terroriste » mais plutôt souligner les multiples gestes de bravoure de cette journée.