Le Canada s’est mérité encore aujourd’hui une première et une deuxième place au classement « Fossile du jour. » La cérémonie de remise de ces médailles a lieu tous les jours à 18 h dans le cadre de la Conférence des Parties pour souligner les efforts les plus scandaleux pour faire obstacle au progrès dans les négociations climatiques. À ce jour, le Canada détient une bonne longueur d’avance sur les autres nations avec ses cinq médailles au classement Fossile du jour.
La deuxième place remportée aujourd’hui soulignait le refus du Canada de protéger les droits des autochtones dans les négociations portant sur la Réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation dans les pays en développement (REDD). Quand à notre première place, nous partageons le podium avec le Japon et l’Australie. La Presse l’a annoncé en exclusivité. En fait, deux journalistes canadiens sont présents à Poznan : un mandaté par La Presse et l’autre par Radio-Canada. Les rencontres des parties sur le libellé du document de négociation sur l'avenir du protocole de Kyoto se déroulent à huis clos. Nous savons toutefois que le Canada, le Japon et l’Australie exigent le retrait du paragraphe portant sur les objectifs fixés l’an dernier lors de la conférence de Bali, soit une réduction des émissions de gaz à effet de serre des pays riches de 25 à 40 % sous leur niveau de 1990 à l’horizon 2020. Cependant, ces objectifs sont les seuls qui nous permettraient d’éviter les effets dévastateurs de la crise climatique. La réduction des objectifs fixés à Bali a par ailleurs été déplorée par un groupe très prestigieux se réunissant en parallèle de la Conférence.
En effet, des dirigeants d’organisations prestigieuses, dont KPMG et ING, ainsi que Sir Nicholas Stern, ancien économiste à la Banque mondiale, ont entrepris une série de discussion en parallèle de la Conférence des Parties. Ces discussions portent sur la mise en œuvre d’objectifs de réduction encore plus ambitieux que ceux proposés par la Conférence, pour des motifs financiers, puisqu’ils favoriseraient l’adoption rapide de technologies émergentes et de technologies éprouvées telles que les éoliennes. Les arguments en faveur de la réduction des objectifs proposés ont été rejetés d’emblée par Lord Stern, qui a qualifié les pays promoteurs de cette idée de « déraisonnables » et d’« irrationnels ».
La bonne nouvelle dans tout cela est que Stern demeure confiant que l’UE restera sur ses positions dans les négociations sur les changements climatiques. Il est également très optimiste à l’égard des intentions de l’administration Obama. Dans l’ensemble, il estime que si le scénario du maintien du statu quo se concrétise, « nous avons 50 pour cent des chances que la température moyenne de la planète connaisse une hausse de plus de 3 degrés Celsius. » Nous devons absolument nous éloigner de cette ligne de tendance. À défaut de quoi nous subirons les effets dévastateurs liés aux risques en matière de « sécurité climatique » esquissés par Stern – une grave menace pour la sécurité de milliards de personnes qui deviendraient de facto réfugiés de l’environnement, et la désertification de grandes régions comme l’Italie. Selon Stern, ces risques pour la sécurité sont beaucoup plus importants que la menace que constitue aujourd’hui le terrorisme. Toutefois, avant d’être confrontés aux graves conséquences du réchauffement planétaire, nous devrons faire face à « des conflits à grande échelle liés à la rareté de l’eau douce. »
Lors Stern estime aujourd’hui que son rapport à l’intention du gouvernement britannique sur les coûts économiques liés aux dangers d’ignorer les changements climatiques sous-estimait la menace. Il fonde tous ses espoirs dans la détermination de l’UE (menacée par la Pologne et l’Italie qui veulent des exemptions) et les indications offertes par le président élu Barack Obama. Lord Stern connaît bien le monde de la finance. Il est bien conscient de l’importance de procéder à des investissements de relance dans l’infrastructure verte. La meilleure façon de nous extirper de la crise financière est de prendre des mesures vigoureuses pour lutter contre la crise climatique.