Tirer des leçons de l’Arizona

Elizabeth May

Nous en
avons tous appris un peu plus sur l’Arizona la semaine dernière. Aujourd’hui,
nous savons tous que l’Arizona détient le triste record de posséder les lois
sur le contrôle des armes à feu les plus permissives aux États-Unis. Nous avons
appris qu'il existait certaines exceptions, comme les salons d’armes à feu, où
même les formulaires les plus rudimentaires qui doivent habituellement être
remplis pour l’achat d’armes à feu en magasin étaient mis de côté.

Nous savons
également que l’Arizona est l’État qui investit le moins en santé mentale dans
tous les États-Unis. Ainsi, si l'on combine des éléments tels que des lois sur
le contrôle des armes à feu extrêmement permissives et un manque criant de
ressources pour les personnes atteintes de maladies mentales, et qu’on les
laisse mijoter ensemble dans une atmosphère délétère que le shérif de Pima
County, Clarence Dupnik, a qualifiée de « Mecque du préjudice et du
sectarisme », on obtient une véritable bombe à retardement. 

Je laisse
les gens des États-Unis faire leur propre examen de conscience, bien que la
vidéo publiée par Sarah Palin en réaction à cette tragédie suggère qu’elle
ignore totalement ce que cela signifie. Pourtant, je crois quand même que le
Canada peut tirer quelques leçons de cette tragédie. En effet, Dieu merci, nous
vivons dans un pays qui interdit aux gens de porter des armes de poing
dissimulées. Nous ne vivons pas dans une « culture de l’arme à feu ».
Nous pouvons et nous devons améliorer
nos lois en matière de contrôle des armes à feu, renforcer les mesures en place
pour lutter contre la contrebande, quoique nous ayons déjà une bonne longueur
d’avance sur les États-Unis à ce chapitre.

Néanmoins,
nous n’avons pas de quoi être fiers quand il est question de nos services de
santé mentale. Beaucoup trop de personnes ayant besoin d’aide sont laissées
sans ressources de ce côté. On a justement entendu récemment les entrevues
tragiques données en Nouvelle-Écosse par la famille de Glen Race. Bien que
personne ne semble mettre en doute qu’il ait tué trois personnes, on ne pouvait
pas écouter sa mère et son frère décrire tous les efforts qu’ils ont faits pour
obtenir de l’aide pour Glen sans ressentir une once de sympathie pour lui comme
personne souffrant d’une terrible maladie mentale. Il souffre de schizophrénie
depuis l’université. Sa famille n’a jamais réussi à obtenir de l’aide. Lorsqu’ils
ont craint qu’il devienne violent, ils sont allés voir la police, la GRC, et
ont essuyé un refus, puisqu’ils ne pouvaient pas intervenir tant qu’il ne
représentait pas une menace pour lui-même ou pour les autres. En prison, il
pourra enfin obtenir une thérapie et de l’aide. Bien entendu, les victimes de
M. Race étaient des victimes innocentes. Mais M. Race et sa famille
étaient les victimes d’un système qui n’a pas su les aider.

Malheureusement,
ce genre d’actes de violence gratuite perpétrés par des étrangers ayant besoin
d’aide deviennent de plus en plus fréquents. Un incident tragique qui n’a
laissé personne indifférent à Victoria est l’assassinat d’un étudiant de
secondaire IV au mois de juin dernier, pendant qu’il attendait l’autobus. Justin Wendland
était un jeune homme très apprécié de ses pairs qui n’avait aucun lien avec son
meurtrier. L’homme qui l’a poignardé s’est rendu aux policiers 15 minutes
après le meurtre. Cory Daniel Barry, 39 ans, a été inculpé de
meurtre et décrit comme une personne aux prises avec des problèmes de santé
mentale. Il vivait dans la rue et les marchants locaux ont dit de lui qu'il était
doux. Dans le passé, avant les mesures de réduction du déficit et les
compressions budgétaires, il n’aurait peut-être pas été contraint de vivre dans
la rue. L’institutionnalisation est un mot qui peut faire peur, mais des soins
et des services réguliers auraient pu sauver la vie de ce beau grand garçon de
15 ans.

Ce matin, à
l’émission The Current, sur les ondes
de la CBC, j’ai été témoin de l'immense douleur des gens qui souffrent de
maladie mentale et de ceux et celles qui les aiment. Histoire après histoire,
il n’y avait aucun doute – comme si nous l’ignorions encore – que nous échouons
misérablement à fournir les services de counseling en matière de santé mentale
et de dépendance si désespérément requis par un grand nombre de nos
concitoyennes et concitoyens.

Combien de
temps pourrons-nous nous permettre d’ignorer la nécessité d’améliorer les
services de santé mentale?

Pendant ce
temps, il y a plusieurs leçons à tirer. Tandis que la culture politique
canadienne ne baigne pas dans le vitriol et la haine, les lignes de tendance ne
sont pas très encourageantes. Nous acceptons de vivre avec des degrés
d’incivilité de plus en plus graves. La méchanceté des billets anonymes sur les
sites Web que je mentionnais dans mon dernier billet de blogue. La nouvelle
utilisation antisociale des médias sociaux est en grande partie responsable de
cet état de choses, certes, mais elle n’explique pas tout. Les médias
traditionnels sont devenus plus méchants. Même avant l’arrivée sur les ondes de
la nouvelle chaîne de télévision de Sun Media, ses principales
« vedettes » – des gens comme Ezra Levant et
Lorrie Goldstein – apportent une attitude grossière, voire impertinente,
au monde canadien de la radio et de la télévision. Notre discours politique a
pris un tournant pour le pire au cours des cinq dernières années. Les
interruptions et les abus pendant la période des questions au Parlement mettent
la barre tellement bas que les citoyennes et les citoyens, dégoûtés, se
détournent de la politique. Traiter les autres avec respect est l’un des
fondements d’une société décente. « Exprimer notre désaccord sans nous
montrer désagréables » a toujours fait partie de la culture canadienne
lorsqu’il s’agit d'aborder nos différences. Nous perdons peu à peu cette belle
qualité.

L’heure est
maintenant à la réflexion, comme c’est le cas pour bien des gens aux
États-Unis. Nous devons réfléchir au meilleur moyen de renverser les tendances
qui alimentent l’intolérance. Le discours politique, des questions locales qui
divisent les petites communautés au dialogue à la Chambre des communes, doit
être soigneusement examiné, la partisanerie enragée et la diffamation, explicitement
rejetées et nos comportements les uns envers les autres, astreints à des normes
de conduite plus élevées.