Les F-35

Elizabeth May

En
juillet 2010, j’ai écrit une chronique pour mon journal
local, le Island Tides,
dans laquelle je parlais de la décision du gouvernement d'acheter
65 chasseurs F 35. À présent que le gouverneur général
a confirmé
ce que tout le monde savait, soit que le budget prévu
avait été largement dépassé et qu’on nous avait constamment mal
informés (menti?), j’ai décidé de porter un deuxième regard sur
ma chronique.

Au sujet
des coûts, j’avais écrit ceci :

Comme
de nombreux contrats militaires aux États-Unis, les coûts des F 35
ont grimpé de façon magistrale et dépassent largement le budget
prévu. En mars 2010, le secrétaire à la Défense des
États-Unis, Robert Gates, affirmait devant le Congrès qu’il
était « inacceptable » que les F 35 dépassent le
budget prévu de 50 %. Les coûts liés au développement des
chasseurs avoisinaient désormais les 300 milliards de dollars.
Dans un jargon administratif à
couper le souffle,
le
porte-parole du Pentagone pour le programme des chasseurs furtifs a
répondu : « l’abordabilité n’est plus considérée
comme un pilier central.
 »

Quant à
savoir si les F 35 répondaient aux besoins en défense du
Canada, voici ce que j’avais écrit :

Peter MacKay
s’est dit enchanté des nouveaux
chasseurs. Les chasseurs F 35 de Lockheed Martin sont de
nouveaux jouets excitants. Tellement excitants en fait que
notre
gouvernement n’a pas cru bon de suivre la procédure d’appel
d’offres. Nous voulions ces appareils et rien d’autre.

Ils peuvent décoller et atterrir sur des porte-avions. Ils sont
pourvus d’un nouveau revêtement furtif. Ils peuvent prendre part à
des combats aériens et soutenir le ravitaillement en vol. (…) Nous
n’avons pas de porte-avions. Nous n’anticipons aucun combat
air-air dans un avenir prévisible pour défendre notre territoire.
(La bataille d’Angleterre est déjà jouée depuis longtemps.) Et
ce revêtement furtif? Avons-nous prévu une invasion surprise
quelque part?

Certes,
le moment est venu de remplacer nos CF 18 vieillissants. Notre
vaste territoire a toujours justifié
la
priorité accordée aux appareils bimoteurs; de cette manière, si un
avion rencontre des difficultés en région éloignée et perd un
moteur, le pilote aura toujours un deuxième moteur pour trouver un
endroit sécuritaire et se poser. Les F 35 sont des appareils
monomoteurs. Quand on demande à MacKay ce qui se passerait si un
moteur tombait en panne, sa réponse est sans équivoque : « Ça
n’arrivera pas. » Il nous faut des avions capables
d’effectuer des missions de recherche et sauvetage. Les F 35
ne sont pas conçus pour ce genre de mission.

Voici
comment j’ai conclu ma chronique ce
jour-là :

Ainsi,
il semblerait que le Canada dépense

de l’argent que nous n’avons pas pour acheter des avions dont
nous n’avons pas besoin. Il semblerait également que nous le
fassions simplement par excès de solidarité militaire avec le
Pentagone. Les coûts de renonciation liés à cette dépense de
16 milliards de dollars pour acquérir ces chasseurs furtifs
sont énormes – nous devons renoncer à réduire la pauvreté, à
créer de l’emploi, à protéger les soins de santé et à
combattre les changements climatiques. Rien de tout cela n’a fait
l’objet d’un débat à la Chambre des communes. Ça ne faisait
pas partie du budget 2010. Je travaillerai de concert avec les
autres partis pour faire annuler ce contrat et réaligner les
priorités du gouvernement sur celles des Canadiennes et des
Canadiens.

Je me
basais encore sur l’estimation de 16 milliards de dollars
fournie par le gouvernement Harper. Cependant, lorsque le directeur
parlementaire du budget a parlé d’un dépassement de coûts
d’environ 10 milliards de dollars, je l’ai cru.
Stephen Harper l’a attaqué.

Tout
cela pour dire que le premier ministre ne peut même pas
prétendre avoir été en proie à une crise d’aveuglement
volontaire aiguë pour justifier son attaque contre le directeur
parlementaire du budget. Si je savais que le choix des chasseurs ne
reposait sur aucun critère précis ou avait été fait sans appel
d’offres, que le projet en entier était un véritable gâchis et
que le Canada s’apprêtait à débourser 25 milliards de
dollars pour des avions dont nous n’avions absolument pas besoin,
alors tout le monde le savait.

La
lecture du rapport du vérificateur général
devrait être obligatoire pour chaque électrice et chaque électeur
qui a vu en Stephen Harper les qualités d’un gestionnaire
avisé des fonds publics.