J’ai déjà écrit dans ce blogue en tentant de comprendre les cibles climatiques élusives (et toujours plus faibles) du gouvernement Harper.
Notre communiqué de dimanche dernier explique un peu mieux ce qui s’est passé – les conservateurs se défilent encore une fois en s’appropriant les cibles des États-Unis. Le Canada est passé de cibles juridiquement contraignantes de 6 % en dessous des niveaux de 1990 d’ici 2012 à la première cible de Harper de 20 % en dessous des niveaux de 2006 d’ici 2020 – une violation évidente de la loi, puis à la deuxième cible de Harper qui, selon Prentice, serait la même que celle des États Unis, soit une réduction de 17 % en dessous des niveaux de 2005 d’ici 2020. Entre temps, les nations européennes se sont engagées à réduire leurs émissions de GES de 20 % en dessous des niveaux de 1990 d’ici 2020; l’Écosse a même avancé une cible de 40 % sous les niveaux de 1990 d’ici 2020 tandis que d’autres encore ont adopté des cibles encore plus ambitieuses.
Mais le Canada a-t-il réellement la même cible que les États Unis?
Non, bien sûr que non.
Si nous parvenions à atteindre la nouvelle cible de 17 % sous les niveaux de 2005 d’ici 2020 (et je dis bien « si », car le gouvernement Harper n’a absolument aucun plan pour atteindre cette cible), notre taux d’émission en 2020 serait ainsi supérieur à celui de 1990, tandis que lorsque les États Unis auront atteint cette cible (je dis bien « lorsque », parce que les États Unis ont élaboré un plan qui leur permettra de dépasser cette cible), le taux d’émission des États Unis en 2020 sera inférieur à celui de 1990.
Toute cette confusion est le fruit de la contribution canadienne aux négociations internationales sur les changements climatiques – l’interprétation souple de l’année de référence. Jusqu’à ce que Harper choisisse 2006 comme année de référence, toutes les nations du monde planifiaient à partir de la même année de référence : 1990, soit l’année marquant le début des négociations sur le climat au sein du système des Nations Unies. Malheureusement, le Canada a permis à d’autres nations, dont les États Unis, de manipuler l’année de référence.
Lorsque nous sommes passés de 20 % en dessous des niveaux de 2006 d’ici 2020 à 17 % en dessous des niveaux de 2005 d’ici 2020, les yeux étaient presque tous rivés sur la réduction du pourcentage – un minuscule 3 %. Cependant, la nouvelle année de référence, 2005, est très éloquente.
Étant donné qu’en 2005 les émissions étaient au dessus des niveaux de 2006, la cible finale est en réalité plus faible de 6 % par rapport à la cible précédente.
Prenons un moment pour examiner les chiffres. (Je remercie John Streiker, candidat du Parti vert pour le Yukon et porte-parole des verts pour les questions arctiques du Nord, pour cette analyse.)
D’après les chiffres de la CCNUCC, voici un portrait des émissions canadiennes :
1990 = 592 mégatonnes de CO2e
2005 = 734 mégatonnes de CO2e
2006 = 721 mégatonnes de CO2e
Notre cible aux termes de Kyoto : 1990 - 6 % = 557 mégatonnes de CO2e
La première cible de Harper : 2006 - 20 % = 577 mégatonnes de CO2e
La nouvelle cible de Harper : 2005 - 17 % = 610 mégatonnes de CO2e
En choisissant 2006 comme nouvelle année de référence, Harper n’a pas affaibli notre cible finale de 3 %, mais bien de 6 %!
Par conséquent, si nous parvenions effectivement à atteindre cette nouvelle cible, nos émissions seraient au-dessus des niveaux de 1990 en 2020. Prétendant s’engager à éviter une élévation de la température moyenne globale de surface de deux degrés Celsius, le gouvernement Harper atteint plutôt de nouveaux sommets d’irresponsabilité. Pour y parvenir, le monde industrialisé devrait en fait réduire ses émissions de 30 % en dessous des niveaux de 1990 d’ici 2020. Si les gouvernements du monde entier suivaient l’exemple du Canada, nous entraînerions la planète dans une catastrophe climatique apocalyptique.