Le 6 juillet, je témoignais devant le seul corps législatif ayant cru bon d’examiner la loi budgétaire, le Comité sénatorial des finances. Dans une succession d’audiences accélérées, les sénateurs ont entendu parler des changements subrepticement glissés entre les 883 pages : l’élimination de contrats lucratifs chez Postes Canada, qui pourraient éventuellement mettre en péril notre service de poste nationale, la préautorisation accordée pour la vente d’Énergie atomique du Canada limitée, sans que le grand public ait eu l’occasion d’étudier les questions portant sur la responsabilité de la gestion à long terme des déchets hautement radioactifs, les changements apportés au régime d’assurance-emploi, les nouvelles taxes pour les voyages par avion et, le plus choquant, l'élimination du processus d'évaluation environnementale.
Les nombreux changements apportés au processus d’évaluation environnementale comprennent notamment l’élimination pure et simple de la compétence de l’Agence canadienne d'évaluation environnementale pour tous les projets énergétiques, la refonte de la Loi pour esquiver une décision de la Cour suprême dans l’affaire Red Chris Mine, annulant ainsi une décision judiciaire interdisant à un ministre de contrôler la portée d’une évaluation de manière à assouplir les règles pour favoriser un mégaprojet, l’exclusion de tous les projets financés dans le cadre d’initiatives d’infrastructures fédérales contenues dans le plan de relance économique, et la réduction du droit d’expression du public pour les projets d’envergure. Ensemble, ces changements nous ramènent plusieurs décennies en arrière en ce qui a trait à l’effort visant à définir et à développer une approche cohérente pour examiner les projets de compétence fédérale. Qu’il s’agisse d’hydrocarbures exploités en mer, de pipelines, de réacteurs nucléaires ou de l’élargissement des opérations dans les sables bitumineux, le processus d’évaluation environnementale ne s’appliquera plus. D’autres organismes, comme l’Office national de l’énergie, la Commission canadienne de sûreté nucléaire ou les offices régionaux des hydrocarbures extracôtiers du Canada atlantique, se chargeront désormais d’évaluer les projets encore assujettis au processus d'évaluation. La possibilité pour les ministres de définir la portée de tous les projets encore sous le régime de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ouvrira la porte à de graves abus, puisque les ministres pourront désormais décider de limiter une évaluation environnementale à seulement certains aspects mineurs d’un mégaprojet. Grande exploitation minière, petite évaluation rapide.
Après mon témoignage, les sénateurs libéraux ont décidé de faire front commun avec les indépendants et d’insister pour diviser le projet de loi et en retirer toutes les questions non budgétaires. Ensemble, les libéraux et les indépendants réunissaient à peine suffisamment de voix pour diviser le projet de loi et renvoyer les autres questions à la Chambre. Le sénateur Doug Finley, le directeur de campagne de Harper, a donc menacé de déclencher des élections, mais au lieu de continuer à croiser le fer avec les libéraux, le 9 juillet, le premier ministre a nommé un autre conservateur partisan au Sénat. C’est ainsi que la totalité du projet de loi de 883 pages a été adoptée et a maintenant force de loi.
Certains pourraient voir cela comme un outrage au droit environnemental. Ça l’est. Cependant, c’est aussi un assaut flagrant contre la démocratie. Cela prouve une fois de plus que Stephen Harper est bel et bien déterminé à saper les principes fondamentaux du gouvernement du Canada.